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Une Autre Planète

 

En survolant la conche Sud de la Réserve Nationale du Banc d’Arguin en octobre 2016, je savais que je réaliserai une photo qui deviendrai emblématique.

Comment ne pas succomber à ces formes naturelles et abstraites formées par la magie de la marée ? à ces couleurs à la fois belles et mystérieuses ?

à cet aspect graphique et à cette profusion de petits détails ?

Voici une photographie du Bassin qui s’adresse à « ceux qui savent » ou à ceux qui veulent savoir. Nous sommes loin ici de l’image d’épinal des fameuses cabanes tchanquées ou de la Dune du Pilat. Nous voici transporté au dessus d’une réserve avec la vision d’un oiseau, pourquoi pas d’une sterne puisque c’est justement cette espèce qui est venue y trouver refuge.

Alors que regarde t-elle cette sterne ? elle observe des ostréiculteurs en train de travailler durement dans leurs parcs, les traces et les formes laissées dans le sable par la marée et une palette de couleurs, mélange de jaune, de rouge et de vert. Allios en décomposition, algues, plancton… tout se mélange.

On ne sait plus trop où l’on est et j’aurais entendu de multiples interprétations et comparaisons à la Galerie : Yellostone, un embrion, une huître ?

La plupart des plaisanciers qui se rendent avec leurs bateaux sur le Banc d’Arguin l’été ne se posent pas toutes ces questions. Ils viennent passer la journée à Arguin comme ils iraient à la plage. La différence c’est qu’ils prennent le bateau au lieu de prendre la voiture. Ils prennent de moins en moins le temps de regarder et d’écouter. Ils « consomment ».

Quand j’observe le comportement des usagers je note deux catégories : ceux qui viennent à Arguin juste pour se vanter le soir à l’apéro qu’ils ont « été à Arguin » et ceux qui profitent vraiment de ce privilège. Deux profils différents et deux comportements différents. Dans le premier cas, le bateau ne quitte pas son anneau avant 12:30 car tout le monde traine à la maison (Guillaume Canet a d’ailleurs très bien illustré cette scène dans son film Les Petits Mouchoirs quand François Cluzet attend avec irritation que tout le monde soit prêt pour partir avant la marée basse), on met plein gaz pour se rendre le plus vite possible à Arguin où l’on arrive vers 13:00 alors que la conche sud s’est déjà transformée en un immense parking à bateaux. On cherche une place au milieu des autres, on jette l’ancre un peu n’importe comment, on débarque la famille avec glacières de rosé et parasols, on picnic, on fait bronzette et puis on repars vers 17:00 car madame veut avoir le temps de se faire un browshing avant le diner avec les amis qu’on a invité et auprès desquels on pourra se vanter d’avoir « passé la journée à Arguin avec NOTRE bateau » comme si cela était un signe extérieur de richesse. Evidemment je caricature mais nous ne sommes pas loin de la réalité.

Pour la deuxième catégorie de plaisanciers, on partira avec la marée descendante pour arriver à Arguin au moins 3 heures avant la basse mer. Du coup on sera parmi les premiers et on pourra profiter du calme de cette réserve naturelle. On ira se promener et se baigner du côté océan, on picniquera à bord du bateau (parce-que c’est plus confortable et parce-qu’après tout on n’est pas censé transformer une réserve naturelle en une aire de picnic), on fera une petite sieste sur le pont du bateau ou on lira un bouquin, on se refera une balade sur le banc et on profitera du magnifique coucher du soleil alors que les 3/4 des bateaux seront déjà partis. On restera discret. Pas de cris alcoolisés, pas de comportements outranciers comme j’ai pu le voir le week-end dernier avec une bande arrivée en jetski dont l’un des « pilotes » s’amusait à montrer son cul à ses camarades, ou encore ce groupe de dix individus qui n’ont pas hésité à faire voler un drone en rase motte y compris au dessus de la zone de restriction totale ! Malheureusement ce jour là aucun garde de la Sepanso n’était là pour les sanctionner.

C’est une Réserve Naturelle et si nous voulons continuer à profiter du privilège d’y jeter l’ancre nous devons avoir un comportement exemplaire !

J’espère que c’est mon cas. Quand je me rend à Arguin avec mon voilier cela fait partie pour moi d’une petite aventure. Je navigue dans le sens de la marée et j’y jette l’ancre pour un maximum de temps. Car Arguin, comme le reste du Bassin, est un lieu où l’on doit prendre son temps. D’ailleurs je pense que j’écrirai un livre prochainement qui s’intitulera : « Le Bassin d’Arcachon ou l’éloge de la lenteur ».

A titre personnel je suis néanmoins contre le nouveau décret qui interdit le mouillage de nuit et qui étend la zone de protection de manière considérable. Je suis favorable à la conservation des libertés mais avec un contrôle beaucoup plus intensif des mauvais comportements. Les plaisanciers irrespectueux doivent être sanctionnés sévèrement. Pour cela il faut plus de moyens pour la Sepanso mais aussi redonner du sens à la pratique de la plaisance sur le Bassin. Dans cette perspective, mon association Les Sentinelles du Bassin a fait des propositions qui n’ont malheureusement pas été entendues, ni par les autorités, ni par la Sepanso, ni par les associations de plaisanciers. Chacune des parties préférant apparemment se comporter comme un lobbie qui défend ses propres intérêts et se livrer à un combat de coqs dont l’issue est désormais suspendue à une décision de justice.

Je regrette également que les règles concernant Arguin ne soient pas discutées en concertation au Parc Naturel Marin et que la Sepanso soit finalement seule à décider de ce qui est bon ou pas. Je trouve cela contre-productif pour les « écolos » qui se collent une image autoritaire et restent néanmoins inefficaces dans leur volonté de protéger les sternes. Car je ne vois pas en quoi interdire le mouillage de nuit règle le moindre problème. C’est une véritable injustice pour les plaisanciers qui pour la grande majorité sont respectueux de la Nature qu’ils aiment et qui se voient privés de leurs libertés à cause de quelques imbéciles qui continuent à agir en toute impunité et en plein jour.

J’aurai certainement l’occasion d’en reparler puisque cette affaire ne fait que commencer. Et malheureusement, face à la pression humaine de plus en plus forte sur le Bassin, il est à craindre d’autres restrictions et interdictions de lieux emblématiques qui sont aussi une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de vivre ici ou d’y séjourner de manière régulière pour les vacances. Ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis !

En attendant, ma photo « Une Autre Planète » a déjà atteint le N°15/30. Il n’est déjà plus possible de se la procurer dans un format inférieur au 90×120. J’avais en effet destiné une dizaine de numéros en formats 60×80 finition laminage sur bois ou verre acrylique et elles ont toutes été vendues. Je réserve donc les 15 derniers numéros pour des formats plus grands qui mettent bien en valeur tous les détails de cette photo aérienne.