Décidément c’est la semaine des articles consacrés aux atteintes portées à mon métier ! Croyez bien que je préférerai parler ici de mes voyages et partager avec vous mes dernières photos, mais comprenez aussi que je peux plus rester muet face à toutes ces menaces qui pèsent sur ma profession. la photographie n’est pas qu’une passion pour moi. C’est surtout mon métier. Je n’ai pas d’autres sources de revenus. Or depuis quelques années, nous assistons à une profonde mutation de cette activité. L’ubberisation, la diffusion à outrance d’images par millions à la seconde sur les réseaux sociaux, le statut d’auto-entrepreneur qui a permis à des photographes amateurs d’officialiser le travail au noir ou plus simplement de se lancer comme photographe en dilétante, la crise qui traverse la presse papier depuis quelques années tout ceci participe à niveler par le bas une activité qui est à la fois un Art et un Métier.
Jusqu’ici, on pouvait encore compter sur les collectivités locales et territoriales qui ont besoin de belles photos pour mettre en valeur leurs paysages, leurs activités, leur patrimoine. Mais c’était sans compter sur la nouvelle trouvaille des petits génies de la communication qui gravitent autour de maires peu instruits et facilement influençables, voir corrompus. Ainsi, les concours photos foisonnent. Les plus grandes villes s’y mettent et à chaque fois les photographes professionnels s’indignent de conditions de règlements totalement abusives, voir illégales. « partagez votre passion pour votre ville, envoyez nous vos photos et vous serez peut-être publié gratuitement avec votre nom dans notre prochain campagne de com ! » voici le type de slogan que l’on peut lire à chaque fois. Mais, depuis quelques jours, un concours a dépassé toutes les limites : celui lancé par la Ville de Lège Cap-Ferret ! Cette station balnéaire du Bassin d’Arcachon, fréquentée l’été par la jet set et les familles fortunées parisiennes, n’a peut-être pas les moyens de payer quelques centaines d’euros à des photographes professionnels locaux (et il y en a des bons) pour répondre à ses besoins de communication ? alors l’idée de génie : « lançons un grand concours photo « visages et paysages » et constituons nous une banque d’images gratuite ! » En étudiant le règlement (que peu de participants liront c’est bien connu) on s’aperçoit en effet que les droits sont automatiquement cédés à la commune de Lège Cap Ferret pour une durée de 10 ans et qu’elle pourra les utiliser comme bon lui semble sur tout document de communication. Si on va plus loin dans l’analyse, rien n’interdit à la commune d’offrir vos photos ou même de les revendre à des tiers : magazines, éditeurs, banques d’images. En gros, en croyant participer à un simple concours, vous alimentez une banque d’images et vous retrouverez peut-être vos photos dans des brochures touristiques, des magazines et pourquoi pas des magnets ou des mugs ! non seulement vous ne toucherez rien mais vous aurez permis aux organisateurs et à leurs « amis » de créer une concurrence totalement déloyale pour des photographes professionnels qui, du coup, ne peuvent plus vendre leur travail. Pour le professionnel que je suis, ce genre de concours est préjudiciable car il donne le sentiment que la photo n’a plus aucune valeur commerciale. Tout le monde peut faire des photos et elles seront toujours assez belles pour faire la com gratuite de la collectivité. Le travail soigné des photographes professionnels se retrouve noyé dans une profusion de photos, sans cohérence, sans critères de qualité. Les conséquences de cette vulgarisation de la photo sont catastrophiques. Dernièrement un promoteur immobilier a utilisé sans autorisation une de mes photos pour illustrer une campagne de communication pour un gros programme immobilier. Ma photo est une accroche visuelle, reproduite sur une bâche de 60m2 exposée dans la rue et sur la couverture d’une plaquette commerciale. Son mode de défense est aujourd’hui de dévaloriser cette photo en prétextant qu’il aurait très bien pu en choisir une autre. Mais alors pourquoi avoir choisi celle-ci et sans autorisation ? Il y a d’une part un contexte de dévaluation et de nivellement par le bas, et d’autre part, des petits malins qui profitent de la situation pour spolier le travail des autres. Dans un pays qui brille par sa culture, il est regrettable que la photographie se retrouve si peu considérée. Alors, parce-que je refuse de crever sans me battre, je lance cette pétition que je vous demande de signer, pour soutenir les photographes professionnels mais aussi défendre le droit d’auteur et la création. Signez ici !