J’ai quitté le Bassin d’Arcachon à la fin de l’automne 2013, juste après le tournage avec Thalassa, la tête vidée de toute inspiration et un énorme besoin de changer d’air, de changer de paysage, d’aller rechercher autre chose.
Lors d’un premier repérage en Guadeloupe en 2012, j’avais remarqué une richesse de paysages et de situations très prometteurs et il me semblais donc légitime d’y retourner pour y passer plus de temps.
Il aura fallu quelques semaines pour que la transition fasse son effet et que je puisse repartir de zéro dans ma créativité. Au début, je me suis posé des questions car l’inspiration ne revenait pas. J’observais la Guadeloupe aux paysages et aux atmosphères si différents de ce que j’avais photographié jusque-là, que ce soit sur le littoral Aquitain ou celui de la Nouvelle Angleterre, et je n’arrivais pas à trouver le « truc », ce petit quelque chose d’original dans la manière de capturer et d’immortaliser des paysages si propices à tomber dans la carte postale classique « ciel bleu et cocotiers ».
Et puis le déclic m’est venu à Deshaies, sur cette plage de Grande Anse, au moment même où j’ai réalisé ce panoramique sélectionné pour le concours des Photographies de l’Année.
Depuis, j’enchaîne lentement (car je persiste à m’offrir le luxe de prendre mon temps) les prises de vues.
J’explore de nouveaux horizons , de nouvelles techniques et surtout, je m’intéresse aussi aux gens, aux peuples de la Caraïbe. J’ai envie d’aller plus loin que les paysages et de réaliser des vrais sujets.
J’ai donc profité de la période du carnaval pour faire quelques essais de reportages. Il ne s’agit que d’un petit échauffement car je ne suis pas encore prêt pour réaliser un vrai reportage digne de ce nom. Il y a eu aussi un sujet étonnant sur les fouilles d’un cimetière d’esclaves au beau milieu d’une plage fréquentée par les touristes et un autre petit reportage sur les élections municipales, qui, en Guadeloupe, prennent une tournure très … »exotique ».
Pour aller plus loin dans cette démarche, je me suis rendu compte qu’ il allait me falloir changer de matos. Car le matériel c’est important. A chaque sujet, correspond un type d’appareil photo et une ou plusieurs focales. Apparemment je ne suis pas le seul photographe de ma génération à rechercher un matériel « comme autrefois ». Je fais parti de ces photographes qui ont démarré avec l’argentique, réglage du diaph à la bague et peu de solution pour rattraper une photo mal exposée. J’ai très rapidement évolué avec le numérique. Il n’a pas été vraiment difficile de s’adapter et de maîtriser l’outil digital, d’autant plus que j’ai quand même continué à produire une grande partie de mes collections en moyen format argentique. Mais force est de constater que devant l’afflux de « faux-tographes » qui débarquent de plus en plus nombreux sur un marché très martyrisé par la crise économique, la confusion devient réellement préjudiciable, tant sur la qualité, que sur les tarifs. Nous sommes en plein nivellement par le bas. Cela en devient décourageant. C’est ainsi qu’en m’intéressant à cette question fondamentale, j’ai découvert que de nombreux photographes renommés avaient mis au placard leurs « bêtes de course » à 24 millions de pixels pour ne plus s’embarrasser du poids et de performances inutiles. Car nous sommes bien dans l’ère d’instagram et autres applications « gadgets » permettant de transformer une image prise avec un smartphone en photographie vintage, HDR, aux rendus terriblement (mais faussement) artistiques.
On peut aussi constater que les techniques permettant de créer de superbes images aux rendus époustouflants n’ont plus de secret pour personne. Et alors que nos écrans pullulent d’images « Lo-Fi » , il y a aussi de plus en plus de très très belles photos, très techniques, très travaillées, très chiadées. Et il n’est pas rare que de simples amateurs passionnés (appelés « experts ») en soient les auteurs. Les réseaux sociaux leur permettent aujourd’hui de les partager avec le public, de récolter les « like » et les compliments par centaines, et de se rêver une carrière de photographe, le métier le plus admiré et envié au Monde ! Le gros problème c’est que des agences en ligne , mais aussi des institutionnels publics et privés, ont su saisir cette opportunité et se nourrissent aujourd’hui à des tarifs proches de la gratuité de ces images produites par des amateurs ou des « semi-professionels » qui n’ont pas les mêmes obligations fiscales et sociales que des photographes dont la carrière a démarré avant cette explosion du monde numérique. Il est donc devenu extrêmement difficile pour un professionnel confirmé aujourd’hui de vendre son travail à un tarif réaliste. Et les conséquences en sont catastrophiques. Pertes de revenus, démotivation, dépression pour les plus sensibles, nourrissent parfois la rancoeur et le désespoir. Du coup, c’est à se demander si cela vaut le coup de continuer à investir dans du matériel « pro » et des optiques de qualité. En effet, au vu de cette situation, et dans 3/4 des cas, un simple smartphone suffirai à remplir la mission !… je caricature peut-être un peu trop me diriez-vous ? et bien non, je partage moi même souvent des instantanés instagram sur ma page fb, juste pour illustrer le « making of » d’une prise de vue, et je suis toujours choqué de lire des commentaires élogieux de personnes qui n’avaient pas perçu qu’il s’agissait juste de photos prises avec mon iphone…
Partant de ce constat, j’ai donc décidé de me remettre en question.
Je vais me séparer de mon reflex 5 D Mark II et toutes ses optiques et accessoires et le remplacer par un Fuji X Pro 1 et trois focales fixes. Ca, ce sera pour le reportage et la photo prise sur le vif lors de mes errances.
Je vais également vendre mon Mamiya 7 est ses deux « cailloux » et le remplacer très certainement par un moyen format numérique abordable et tropicalisé à savoir le Pentax 645 D. J’ai lu dans le dernier magazine « Réponses Photo » que Raymond Depardon appréciait particulièrement le format 645 et je me suis souvenu que mes plus belles photos de paysages font partie de l’époque ou je travaillais avec un Mamiya 645. Je l’avais abandonné car sa mise au point était peu pratique et m’avait donné quelques sueurs froides. Tiens, je viens de réaliser que ce Mamiya 645 acheté à Fabrice Michaux au Moyen Format à Paris en 1998, je l’ai toujours au fond d’un placard. Il ne doit plus valoir grand chose mais je vais quand même tenter de le vendre.
Je garderai quand même mon Widepan panoramique rotatif moyen format argentique parce-que le résultat obtenu est toujours aussi magique et que je ne me sens pas du tout près pour m’en séparer.
Je vais donc gagner en poids et mieux répartir les tâches. Comme dit toujours mon ami Renaud Philipps : « il faut respecter la séparation des pouvoirs ». Le Pentax 645 D et le panoramique rotatif pour le paysage, le Fuji X pro 1 pour les reportages en mode errance (comprenez: l’avoir toujours sur soi)
Je sais d’avance que l’excitation de découvrir et de s’approprier un nouvel appareil est un réel incubateur d’énergie positive et d’inspiration. Alors c’est le moment ou jamais d’y avoir recours…
Mais avant cela, il me faut continuer mes explorations en terre Guadeloupéenne.
Je reviendrais très prochainement sur le Bassin d’Arcachon pour réaliser une nouvelle série de photos et lancer une nouvelles collection de cartes postales.
Je travaille aussi actuellement à la mise à jour de mon site internet afin de pouvoir vous proposer à nouveaux mes photos à la vente. Puisqu’il n’y a plus de galerie possible, je vais essayer d’une autre manière.
En attendant je vous invite toujours à me suivre presque en direct sur ma page facebook.
A très vite !